Tribune de Jean-Frédéric Poisson dans Le Figaro
«Laisser Vincent Lambert mourir de faim et de soif, c’est condamner à mort un innocent!»
FIGAROVOX/TRIBUNE – Alors que l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert est imminent, Jean-Frédéric Poisson interpelle le Président de la République sur l’urgence d’un sursis à l’exécution de cette mesure qui aurait des conséquences irréversibles et lui demande de tenir compte de la décision rendue par le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU.
Jean-Frédéric Poisson est président du Parti Chrétien-Démocrate.
Le 20 mai prochain, un innocent sera légalement mis à mort par la médecine de notre pays qui a décidé d’arrêter de lui prodiguer les soins élémentaires d’alimentation et d’hydratation, pourtant dus à tous. Il s’agit de Vincent Lambert, qui n’est ni en fin de vie ni dans le coma, mais en état pauci-relationnel comme 1 700 autres personnes en France. Ce qu’a confirmé un rapport d’expertise médicale de novembre 2018 commandité par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a précisé que sa prise en charge «ne relève pas de l’acharnement thérapeutique ni d’une obstination déraisonnable».
Dans ces conditions, comment ne pas s’indigner avec force, alors que cette décision revient à laisser un homme mourir de faim et de soif? Comment ne pas se révolter devant cet acharnement à vouloir mettre à mort une personne handicapée et sans défense? Comment ne pas s’inquiéter devant la réaction du ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui ne considère pas l’avis du Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU comme devant être obligatoirement respecté? France, qu’as-tu fait des Droits de l’Homme ?
Si cette décision devait être mise à exécution, elle serait un signal extrêmement inquiétant pour tous les patients dans un état similaire à celui de Vincent Lambert, et pour tout un chacun. En effet, plus personne ne pourra dès lors être garanti qu’il ne sera pas un jour en situation d’être condamné à mourir de faim et de soif. Elle le serait également pour le corps médical dont la pratique ne serait plus garantie d’être orientée au service respectueux de la vie. Elle le serait enfin pour notre civilisation, dont la grandeur consiste à considérer comme inaliénable la dignité de chacun de ses membres.
Une civilisation régresse à partir du moment où elle décide de capituler devant la souffrance.
«La dignité , explique Marie de Hennezel, ne consiste pas à donner la mort, mais à humaniser la fin de vie. Ce n’est pas parce qu’on est physiquement dégradé qu’on perd en humanité. Entretenir une telle confusion me paraît dangereux. On pourrait en conclure que des personnes handicapées, parce qu’elles sont moins autonomes, seraient moins dignes de considération que les personnes valides», ce qui serait révoltant.
D’une manière générale, une civilisation régresse à partir du moment où elle décide de capituler devant la souffrance. Fatalistes, les partisans de l’euthanasie oublient que les plus grands progrès ont été accomplis par la médecine parce qu’elle était au service de la vie humaine. S’il devient possible d’abréger toute souffrance en donnant légalement la mort, qui fixera le curseur du seuil de l’intolérable? Se préoccupera-t-on de développer les soins palliatifs?
Nous demandons avec la plus grande fermeté que toutes les mesures administratives et judiciaires soient prises pour empêcher le meurtre par préméditation de Vincent Lambert. Nous en appelons au Président de la République pour qu’il fasse respecter le droit international, les mesures provisoires réclamées par l’ONU, afin de sauver Vincent Lambert d’une mise à mort programmée. Notre gouvernement doit suivre cette demande qui engage la France, membre de l’ONU.
Enfin, pourquoi ne pas accéder à la demande des parents de Vincent Lambert qui souhaitent que leur enfant soit placé dans une unité de soins palliatifs où il pourrait bénéficier de soins adaptés à sa condition? Car son hospitalisation actuelle au CHU de Reims ressemble de plus en plus à une incarcération hospitalière! D’ailleurs, ce serait l’occasion de développer les unités de soins palliatifs qui restent à l’état embryonnaire dans notre pays: «Un Français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs» déplorait récemment le professeur Vincent Morel, chef de service de l’unité mobile de soins palliatifs au CHU de Rennes et président de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Cessons ce scandale!
Monsieur le Président, je ne vous demande pas d’user de votre droit de grâce, car Vincent Lambert est un innocent, mais ne soyez pas complice de son meurtre par préméditation.