«Notre ministre de l’agriculture ne fait pas son travail» – Interview pour Russia Today
Malgré la crise, il n’y a aucune raison pour que l’agriculture française ne se redresse pas, estime le député des Yvelines et président du Parti Chrétien-Démocrate Jean-Frédéric Poisson, candidat à l’élection primaire de 2016. Lire l’interview sur le site de Russia Today.
RT France : Pourquoi les agriculteurs sont-ils en colère ?
Jean-Frédéric Poisson : Ils sont en colère parce que l’agriculture française a trois problèmes majeurs. Un problème qui relève de la difficulté des professions agricoles à s’organiser elles-mêmes pour préserver les filières, même si cette incapacité est illégale, on voit bien que les céréaliers sont plus à l’aise pour s’organiser que les éleveurs ou les producteurs de lait, par exemple.
Un deuxième problème qui est le fait que la France, de manière un peu naïve, tient absolument à être le meilleur élève de l’Europe en matière de réglementation. Et donc, nous faisons subir des réglementations nationales à nos agriculteurs en termes de protection de l’environnement, d’identification des produits etc. qui sont très supérieures à ce que les autres pays d’Europe connaissent, donc, ça pénalise la compétitivité de nos produits, notamment à l’export.
Et puis la troisième plus grande faiblesse est le fait que la renégociation de la politique agricole commune ces dernières années a, en particulier pour les producteurs laitiers, supprimé les quotas qui étaient une garantie de prix pour beaucoup d’entre eux et la renégociation de la PAC s’est faite avec une priorité très claire : donner à un agriculteur dans son aspect environnemental plutôt que à un agriculteur dans son aspect économique. Le problème que nous avons, c’est que le pivot de ces trois difficultés se trouve dans les mains du gouvernement français, entre les mains du ministre de l’Agriculture et comme notre ministre de l’Agriculture ne fait pas son travail, ne fait pas son métier et qu’il a perdu toute forme d’influence au sein des instances européennes, nos agriculteurs sont au bord de la faillite, en tout cas pour nos éleveurs et nos producteurs laitiers. Ils sont en colère parce que pour beaucoup d’entre eux ils sont en situation de survie, tout simplement.
RT France : L’agriculture française est de plus en plus subventionnée par l’Etat. Peut-être est-il temps de faire face à son déclin ? Peut-être ne vaut-elle plus la peine d’être redressée ?
J.-F. P. : Si, moi je pense que la souveraineté française, à laquelle je suis très attachée, passe par la garantie de son indépendance alimentaire. Nous sommes l’un des seuls pays en Europe à être capable d’assurer notre indépendance alimentaire et nous ne le faisons plus. C’est quelque chose qui est absolument insupportable et encore plus quand on empêche des agriculteurs français d’exporter comme on le faisait d’habitude, je fais référence ici directement à l’embargo russe qui coûte environ un milliard d’euros par an à l’agriculture française.
Je fais partie de ceux qui demandent au gouvernement de lever cet embargo au plus vite. D’abord, parce qu’il n’y a aucune raison et deuxièmement, parce qu’il est d’une très grande nocivité pour notre agriculture. Donc, si on redonne à l’agriculture française toute la place qu’elle doit avoir si effectivement nous parvenons à reconquérir du pouvoir et de l’influence au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire encore une fois, avec un ministre et avec un gouvernement qui font leur travail correctement, il n’y a aucune raison que l’agriculture française ne se redresse pas. Il le faut, c’est un impératif pour notre pays, car je fais partie de ces élus qui pensent que la France est un grand pays et qu’on assure sa souveraineté uniquement quand on assure et quand on est certain de donner quoi manger à ses habitants. La France en est capable, il faut qu’elle le redevienne.
RT France : Le traité Transatlantique, qui est en cours de négociation, risque de rendre l’agriculture française encore plus frileuse qu’elle l’est aujourd’hui. Quelle est votre avis sur la question ?
J.-F. P. : Vous avez parfaitement raison. C’est l’une des raisons pour lesquelles je m’oppose fermement à ce traité, en tout cas, de ce qu’on en sait. J’ai fait une intervention à l’Assemblé nationale il y a deux semaines, pour exiger du gouvernement qu’il porte ce traité sur la place publique. Je suis absolument réfractaire à l’idée que l’agriculture française et d’ailleurs en général, l’activité économique française, la santé économique de la France, puisse être affaibli par ce traité. Je ne vois pas comment ce traité pourrait améliorer les conditions d’activité, d’emploi et de prospérité, de production des richesses dans notre pays, et en particulier, de l’agriculture. Toute la thématique notamment des produits d’appellation d’origine contrôlée qui sont pour nous un label, une marque de fabrique en quelque sorte que nous devons absolument préserver. Et je constate que ce qui fait une des marques d’excellence de la production agricole française est fragilisée par ce traité. Donc, je m’y oppose en principe, et en tout cas je demande à ce qu’effectivement, les termes actuels de la négociation du traité soient mis sur la place publique.
RT France : Pensez-vous que la France pourra résister à terme à la pression des négociateurs du traité Transatlantique ? Malgré les nombreuses protestations contre le Partenariat Transpacifique, cet accord de libre-échange a finalement été signé. Pensez-vous que l’Europe subira le même destin ?
J.-F. P. : La France n’est pas n’importe quel pays en Europe. Elle n’est pas n’importe quel pays dans le monde non plus. Mais, effectivement, si les choses continuent de se passer comme elles se passent en ce moment, c’est-à-dire que la Commission de l’Union européenne donne ses directives, négocie, d’ailleurs on ne sait pas pourquoi ni comment, de son côté, sans tenir aucun compte des intérêts français, semble-t-il, il n’y a effectivement aucune raison que nous tirions un bénéfice de ce traité. C’est cette mécanique-là qu’il faut inverser. Moi qui suis un eurosceptique absolument convaincu, je crois qu’il fait retirer du pouvoir à la Commission et redonner du pouvoir aux Etats et faire en sorte que chacun des Etats puisse défendre ses intérêts, parce qu’après tout, nous sommes aussi là pour défendre les intérêts français. En tout cas, c’est la mission qui est la mienne en tant que parlementaire.