Manif pour tous : 150 interpellés reçus à l’Assemblée
De multiples actions judiciaires ont été engagées contre les «arrestations arbitraires» et les «contrôles d’identité abusifs».
Un groupe d’amis arrêtés quatre fois, le même après-midi, pour port de sweat-shirt de la Manif pour tous près des Champs-Élysées. Une lycéenne de 16 ans embarquée dans un fourgon sans pouvoir prévenir ses parents, puis relâchée loin de chez elle à 1 heure du matin. Le directeur financier d’un groupe industriel, qui a passé 44 heures en garde à vue pour avoir dit «Bon courage!» à un manifestant blessé… Quelque 150 sympathisants anti-mariage gay, tous victimes d’arrestations qu’ils estiment arbitraires, ont été reçus mercredi soir à l’Assemblée nationale. Histoire de «leur montrer notre solidarité, témoigne Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines, et de leur expliquer ce que nous faisons pour eux».
Sollicité par M. Poisson, qui souhaitait obtenir les chiffres exacts, le ministère de la Justice n’a pas encore répondu. Mais le collectif de la Manif pour tous estime à plus d’un millier le nombre d’«arrestations arbitraires» ou autres «contrôles d’identité abusifs» d’opposants à la loi Taubira. «En ce qui concerne les gardes à vue, on approche des 500, précise Ludovine de la Rochère, sa présidente. Et cela continue: dimanche dernier, après l’“accueil” de François Hollande près de M6, il y a encore eu 25 arrestations.»
De multiples actions judiciaires ont été engagées afin de faire cesser «les dérives des forces de l’ordre et de l’institution judiciaire», utilisées, selon la Manif pour tous, «à des fins politiques». Lancée il y a quinze jours, la sextuple saisine -du bâtonnier de Paris, des syndicats de magistrats, du procureur de la République, du Conseil supérieur de la magistrature, du défenseur des droits et du contrôleur général des lieux de privations de liberté- a déjà porté ses fruits: le défenseur des droits, Dominique Baudis, qui «veille au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité», a reconnu sa compétence: une délégation de la Manif pour tous sera reçue prochainement.
«Nous sommes dans une forme de déni quand on s’adresse aux autorités compétentes. Soit nous n’obtenons pas de réponse, soit on nous fait comprendre qu’on ment. Pourtant on a énormément de preuves matérielles!» Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines
De nombreuses plaintes au pénal ont aussi été déposées pour «entrave à la liberté d’expression, de réunion ou de manifestation». Ainsi qu’une action civile pour l’ensemble des gardés à vue sans suite. «La faute lourde de l’État, explique Me Henri de Beauregard, résulte de la disproportion entre le nombre d’interpellations et le nombre de déférés. Pour l’instant, seules six personnes ont été jugées, dont la moitié relaxée! Ce qui atteste d’une utilisation de la garde à vue à des fins étrangères à la justice.»
Une double action en justice a également été lancée contre le préfet de police de Paris: pour récupérer les vidéos de la manifestation du 24 mars, et pour «l’ensemble de son œuvre», raille un organisateur, évoquant notamment quatre arrêtés d’interdiction de manifestation délivrés «à la dernière minute». Un «échange de correspondance», à propos des incidents du 24 mars (utilisation de gaz lacrymogène), entre Jean-Frédéric Poisson et le ministère de l’Intérieur, «n’a rien donné». «Nous sommes dans une forme de déni quand on s’adresse aux autorités compétentes, commente le député. Soit nous n’obtenons pas de réponse, soit on nous fait comprendre qu’on ment. Pourtant on a énormément de preuves matérielles!»
C’est pour cela qu’avec 48 autres parlementaires de droite, il a décidé de «s’adresser au plus haut niveau de l’État». Dans une lettre à François Hollande, ils demandent au chef de l’État de «faire cesser ces agissements arbitraires, que rien ne fonde en droit, et qui donnent de notre pays une image détestable». La répression policière a d’ailleurs récemment été dénoncée par un élu italien auprès du Conseil de l’Europe, ainsi que par un juriste au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. «C’est quand même invraisemblable que l’on soit obligé de passer par des instances internationales pour faire respecter des droits fondamentaux dans notre pays! s’indigne Jean-Frédéric Poisson. On est loin de la République apaisée souhaitée par le chef de l’État.»