Ma tribune dans Valeurs actuelles : « La conférence de presse de François Hollande est morte avant d’avoir été tenue ! »
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Profanations d’églises dans Paris, « affaire Dieudonné », sorties nocturnes du Chef de l’Etat : ces trois épisodes récents de notre vie nationale sont tout sauf des faits divers.
Chacun à sa manière et dans son ordre propre remet en cause certains des principes les plus essentiels de la vie publique, sans lesquels la vie en société n’est tout simplement pas possible. Et dans chacun de ces cas le silence du pouvoir en place ou son action met directement en cause notre pacte social.
C’est manifeste pour la profanation des lieux de culte : quelle agression plus violente que cette folie publique ? Et comment interpréter les condamnations plus que tardives, quand ce ne sont pas les silences, du pouvoir en place ? Comment se fait-il que le principe républicain d’égalité de respect ne s’applique pas pleinement aux chrétiens ? Ne sont-ils pas fondés à croire, dans ce contexte, qu’ils ne sont pas les bienvenus dans la France socialiste d’aujourd’hui ?
Cette remise en cause de notre pacte social est plus difficile à percevoir dans l’affaire Dieudonné. Les décisions ultimes prises par le Ministre de l’Intérieur sont pourtant lourdes de sens. Il a choisi de faire prévaloir une vision élastique du « trouble à l’ordre public », voire du trouble « potentiel », sur le principe, lui très solide, de la garantie de la liberté d’expression. Quel que soit le caractère abject des spectacles visés, cette démonstration de force porte en germe toutes les interdictions possibles, tout rassemblement de plus de trois personnes portant en lui la potentialité d’un « trouble à l’ordre public ». Les veilleurs et manifestants de tout poil contre le mariage en ont quelques souvenirs, parfois musclés… Et pour couronner le tout, le Ministre de l’Intérieur déclare vouloir interdire désormais « tous les mots qui divisent la République » (sic). Ça pourrait en faire quelques-uns, et nous attendons la liste avec impatience. Potentiellement en tous cas, tout discours d’opposition au Gouvernement, toute critique du Chef de l’Etat ne peuvent-ils pas être regardés – par un œil certes peu bienveillant – comme des « mots qui divisent la République » ? Nous sommes ici bien plus dans un numéro de lyrisme mal assis que dans le maintien de l’ordre et le respect des libertés fondamentales. De là à considérer que nous sommes entrés dans la partialité et le parti pris, dans le seul but de bâillonner les opposants, il y a bien peu. Mentionnons seulement pour mémoire l’instrumentation du Conseil d’Etat sommé de prendre en quelques heures une décision censée sauver le Ministre de l’Intérieur, dans l’étonnant silence du Garde des Sceaux. Vous avez dit « indépendance de la justice » ?
L’affaire du scooter du Président est également une affaire de limite. Pas en termes de morale personnelle ou conjugale : sous ce rapport, il faut se garder de juger la vie de ses contemporains. Du point de vue moral, le débat se déplace alors assez rapidement sur le plan politique, et on se demande immédiatement si cette nouvelle relation relève de la vie privée ou de la vie publique. Avec ce sous-entendu : « si cela relève de la vie privée du Chef de l’Etat, pas de quoi s’émouvoir ».
1500 ans de vie politique ont habitué les français aux libertés conjugales prises par leurs gouvernants. Et le plus vieil Etat du monde occidental a eu à sa tête des personnes qui ont même parfois conjugué un comportent crapuleux avec un réel sens de l’Etat et du bien commun. Même si cela n’est pas satisfaisant, l’expérience et l’histoire montrent qu’il n’y a pas de lien essentiel entre la moralité personnelle et la capacité de gouverner – étant entendu qu’il est très bien venu d’être gouvernant et honnête homme !
Il y a une limite à ce constat ; c’est l’autorité de la fonction et conséquemment ce que le pouvoir fautif est tenu d’engager pour la défendre. Le Chef de l’Etat utilise donc des moyens publics pour satisfaire les besoins de sa vie sentimentale. Il se retrouve à devoir monter les escaliers avec son casque sur la tête (pour ne pas qu’on le reconnaisse), comme n’importe quel livreur de pizzas. Il devient la risée de la presse mondiale, bien plus surprise par les photos qu’admirative des capacités de séduction de l’impétrant. Le tout à quelques heures d’une conférence de presse parait-il décisive pour le pays.
Patatras. La conférence de presse est morte avant d’avoir été tenue, et il n’y a qu’une seule chose certaine dans cette affaire : il est légitime de juger de la vie privée d’un homme public lorsque ses choix personnels compliquent ou affaiblissent son autorité. Prétendre le contraire comme le font un certain nombre de responsables socialistes et le chef de l’Etat lui-même, c’est vouloir s’exonérer de sa responsabilité. Les Français ne doivent pas l’accepter. Sans compter le spectacle hallucinant de cette vie privée désormais étalée au grand jour dans tous ses désordres, et qui remet en cause la sécurité elle-même de la personne du Chef de l’Etat.
Une seule conclusion, et un seul vœu en ce début d’année s’imposent : vivement la République apaisée !
Jean-Frédéric Poisson
Député UMP des Yvelines, président du PCD