« Les chrétiens subissent des violences d’une barbarie sans nom » – Famille chrétienne
Retrouvez l’interview que j’ai donnée pour Famille Chrétienne le 15 novembre dernier. accessible en intégralité sur le site de Famille Chrétienne : http://www.famillechretienne.fr/societe/monde/syrie-les-chretiens-subissent-des-violences-d-une-barbarie-sans-nom-nbsp-115770
De retour d’un voyage à la rencontre des communautés chrétiennes au Liban, le député des Yvelines et nouveau président du Parti Chrétien-Démocrate (PCD), Jean-Frédéric Poisson, rappelle à la France son devoir de protection des minorités persécutées au Moyen-Orient.
Vous revenez d’un séjour à la rencontre des chrétiens au Liban, pouvez-vous nous dire ce qui vous a le plus marqué ?
La très grande fragilité de la position des chrétiens dans cette région. Les Syriens sont convaincus que la présence de chrétiens en Syrie ne durera plus très longtemps. Les coups de boutoir des brigades pilotées par les membres ou sympathisants d’Al Qaïda expulsent les chrétiens de leurs villages et de leurs paroisses. Et le régime de Damas considère ces derniers plus souvent comme des minorités utiles que comme des amis à protéger quoi qu’il leur en coûte. Quant aux chrétiens libanais, ils sont nombreux à penser que la dernière possibilité pour eux de vivre en paix au Liban consisterait à diviser le pays en trois parties, dont l’une serait réservée aux chrétiens, et les deux autres respectivement aux sunnites et aux chiites. L’idée d’une cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans est en train de disparaître peu à peu. Le tout dans un silence international que seule la Russie a brisé. C’est désolant et déshonorant pour l’Occident, en particulier pour la France.
L’idée d’une cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans est en train de disparaître peu à peu.
Les chrétiens du Proche-Orient subissent-ils le conflit syrien davantage que les autres confessions ?
Le conflit syrien est désormais avant tout un conflit entre les sunnites et les chiites. Les affrontements sont d’une grande violence, et tout le monde la subit. En tant que minorité historiquement alliée du régime chiite de Damas, les chrétiens subissent de la part des sunnites des violences d’une barbarie sans nom : expulsions de leurs maisons, profanations de leurs églises et exécutions pures et simples sont légion. Le tribut payé par les chrétiens syriens est d’une très grande lourdeur. Et les chrétiens du Liban subissent également des pressions importantes, exercées – contre leur gré certainement – par les centaines de milliers de réfugiés syriens qui sont rassemblés à la frontière nord du Liban, en pays chrétien, et vivent dans des conditions inhumaines. Tout cela contribue à fragiliser encore la position des chrétiens libanais.
Des religieux ont été tués par des rebelles syriens, un obus est récemment tombé sur la nonciature apostolique en Syrie. Qui, de Bachar-El- Assad ou des rebelles syriens, est, selon-vous, le plus susceptible de persécuter les minorités chrétiennes ?
Je ne crois pas que le régime de Damas ait l’intention de persécuter les chrétiens syriens. C’est en tous cas le témoignage que j’ai reçu directement du patriarcat syriaque catholique, dont j’ai rencontré le vicaire général. Cependant, il est clair qu’il n’est pas en mesure d’assurer leur protection – pas plus que de qui que ce soit d’ailleurs. Les « rebelles » syriens, très souvent dirigés localement par des extrémistes alliés d’Al Qaïda, œuvrent en revanche ouvertement à cette persécution, comme cela se produit dans d’autres pays du Moyen-Orient et au-delà.
Le cardinal Tauran a récemment déclaré que les chrétiens étaient « la minorité la plus persécutée au monde à cause de leur foi » et que cette persécution était « plus pernicieuse en Occident ». Pensez-vous que ce soit le cas au Proche Orient ? Et en France?
C’est en tous cas l’impression que j’en ai. Il est vrai que les violences exercées à l’encontre des chrétiens se multiplient dans le monde entier, souvent sans que nous le sachions. Dans les pays occidentaux, la pression exercée sur les croyants n’est pas, dans la plupart des cas, violente. Mais elle existe réellement sur le plan moral, même si les jeunes générations ne se laissent pas bousculer sans rien dire ni rien faire : c’est certainement une des meilleures nouvelles de ces derniers temps.
Concrètement, la position du gouvernement français sur le dossier syrien n’a-t-elle pas contribué à accroître les pressions sur les minorités chrétiennes dans la région ? Que doit faire le gouvernement selon-vous ?
Le président et le gouvernement français se sont depuis le début fourvoyés dans cette crise. En apportant un soutien inconditionnel aux opposants à Assad, sans avoir pris en compte une évolution islamiste extrémiste, en s’alignant inconsidérément sur la position américaine dans cette affaire, la France a donné en définitive un blanc-seing aux éléments les plus barbares de cette « rébellion ». La réalité diplomatique aujourd’hui est telle que nous n’avons, en tant que pays, plus grand-chose à dire, à part attendre que les Américains et les Russes aient aménagé une sortie du conflit, par ailleurs aujourd’hui difficile à entrevoir.
Il nous reste la possibilité et même le devoir de reprendre le flambeau de la protection des minorités persécutées dans ces contrées: c’est à la fois notre tradition et la condition de notre influence dans cette région du monde. C’est aussi le signe de notre refus de l’islamisation de l’Occident : en effet, le Liban a toujours été un rempart pour la défense de la chrétienté.
Pierre de Calbiac