JEAN-FRÉDÉRIC POISSON : LA LOI LÉONETTI A OUVERT UNE BRÈCHE
Président du Parti Chrétien-Démocrate, Jean-Frédéric Poisson réagit à l’arrêt rendu lundi 20 mai 2019, par la Cour d’Appel de Paris au sujet de l’affaire Vincent Lambert et estime que la loi Leonetti porte en elle des dérives euthanasiques. Propos recueillis par Benoît Dumoulin
1/ L’arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu hier soir oblige le CHU de Reims à procurer à nouveau les soins d’alimentation et d’hydratation à Vincent Lambert. Que vous inspire cette décision ?
Je suis soulagé. Vincent Lambert n’est pas en fin de vie mais en état pauci-relationnel comme 1500 autres personnes en France et je ne vois pas pourquoi il n’aurait plus le droit de vivre. Ceux qui prétendent parler en son nom le font souvent avec bonne conscience, dans l’intention d’abréger ses souffrances. Mais ils oublient que la dignité humaine est inaliénable, qu’elle ne dépend ni de notre degré de souffrance ni de notre capacité à être autonome. À l’inverse, la dignité que revendiquent les partisans de l’euthanasie est totalement biaisée puisqu’elle ne dépendrait que du regard que porte la société sur les personnes. Ce relativisme de la dignité est dangereux. Il est même source de violence, sapant les fondements même de notre paix sociale.
Je note aussi que cet arrêt remet en cause les positions prises par Agnès Buzyn mais aussi et surtout, par Emmanuel Macron. S’ils se sont déchargés lâchement face au pire, faisant au passage fi de l’immense mobilisation pour sauver Vincent Lambert, cette décision judiciaire montre que le Président de la République et la ministre de la Santé n’ont finalement pas respecté les engagements internationaux pris par la France en matière de protection des personnes handicapées. C’est gravissime !
2/ Vous étiez député en 2016, au moment du vote de la deuxième loi Leonetti. Quel regard portez-vous sur cette loi ?
Je suis l’un des rares parlementaires à droite, à m’y être opposé. Le principal problème vient de la possibilité de mettre un terme à l’alimentation et l’hydratation artificielles considérées comme un traitement et non comme un soin élémentaire. C’est cette brèche qu’a utilisée le CHU de Reims pour supprimer une nouvelle fois l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert, avant que la Cour d’Appel de Reims ne l’en empêche provisoirement.
En outre, la loi ne cible pas de manière exclusive la fin de vie mais fait référence aux situations incurables, sans plus de précision. Il est donc toujours possible de confondre le handicap et la pathologie. Avant de procéder à l’endormissement d’un patient en fin de vie et dans un grand état de souffrance, la loi de 2005 faisait appel à l’art médical : le savoir du médecin, l’appréhension de la situation clinique, la relation patient – médecin. La deuxième loi Léonetti supprime cela au profit d’un rapport strictement contractuel, au travers de directives contraignantes, entre le patient et le médecin.
3/ Selon vous, pourquoi le cas de Vincent Lambert, pourtant si singulier, suscite-t-il tant d’émotions ?
La fragilité criante de Vincent Lambert nous renvoie de façon brutale à notre propre fragilité. Le visage meurtri et pourtant vivant de cet homme, son regard absent dont on ne peut pourtant pas dire qu’il est vide, provoquent en nous un vertige. Vertige de la profondeur insondable de la vie se révélant par cet homme comme un mystère qui nous échappe absolument. Certains, peut-être inquiets ou trop sûrs d’eux, voudraient faire disparaître ce mystère en supprimant ceux qui, comme Vincent Lambert, l’incarnent. Je crois pour ma part que rien n’appelle plus de prudence et d’humilité que cette incompréhension fondamentale. Je crois, au fond qu’elle est la condition de notre humanité. Mépriser ce mystère, c’est abîmer notre condition d’hommes.