Air France
Deux principaux types de commentaires ont accompagné les agressions scandaleuses des cadres d’Air France survenues lundi dernier.
La condamnation et l’indignation, bien sûr. C’était le minimum. Et puis d’autres interrogations sur le rôle de l’Etat actionnaire au sein du Conseil d’administration de la compagnie aérienne, sur l’air de « mais que fait la police ? ».
La première remarque repose évidemment le problème d’un dialogue social en panne au sein de l’entreprise, dont les syndicats – et spécialement les syndicats de pilotes – sont principalement responsables cette fois. C’est malheureusement une question culturelle en France, où seules de nombreuses entreprises et quelques branches professionnelles connaissent un dialogue social de qualité.
La deuxième remarque rappelle que, dans ce domaine comme dans tant d’autres, l’Etat n’a plus de stratégie. Ses représentants dans les grands conseils d’administration ne portent aucune intention, aucun projet d’envergure, faute d’une volonté politique réelle.
Mais cette seconde question sur le rôle de l’Etat s’est malheureusement cantonnée, dans les échanges de ce début de semaine, à la dimension nationale du problème : quel rôle jouer, en dehors de renflouer une entreprise au bord de la faillite, dans un contexte où la direction ne semble pas en capacité de faire accepter et d’opérer les réformes nécessaires ? A part demander la reprise du dialogue et esquisser l’éventualité d’un chèque supplémentaire, rien.
Et c’est là tout le problème. Même un Etat stratège redevenu volontaire appuyé par des partenaires sociaux volontaires et innovants ne règleront rien. La question d’Air France, en effet, est à la fois nationale et internationale.
Au plan proprement national, cette entreprise est littéralement plombée par des structures de coûts trop lourdes, que la baisse des prix des voyages aériens met hors-jeu. L’Etat doit donc, d’une part, inciter l’entreprise à définir un projet commercial clair, et travailler à la mise en place de ce couple indispensable à tout redressement : baisse des charges-augmentation de la durée du travail. Y est-il prêt ?
Sur le plan international, Air France est désormais concurrencée par les compagnies du Golfe persique, qui ne paient pas – ou quasiment pas – le pétrole, alors que cette marchandise représente une énorme proportion des coûts de fonctionnement de la compagnie. Et elle est également concurrencée par des compagnies bas-coût qui sont aussi « basses dépenses ». Elles pratiquent un dumping social et fiscal qui est à peu près la seule raison de leurs offres commerciales très attractives. Ici, la solution est clairement européenne. Le Gouvernement est-il en mesure d’engager, au sein de la Commission, la réflexion nécessaire pour lutter efficacement contre ces démarches concurrentielles qui sont clairement déloyales ? En a-t-il manifesté la volonté ? Non. En a-t-il les moyens politiques ? Non. C’est pourtant la seule issue. Et il y a urgence. Faute de quoi, comme Alsthom et Alcatel-Lucent, et peut-être bientôt Areva, les socialistes français verront sous leurs yeux impuissants, et le peuple français avec eux, passer sous contrôle qatari ou américain un autre fleuron de nos entreprises nationales.