« Si nous ne faisons rien, le dernier soldat français défilera sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2040 »
Tribune à l’occasion du 14 juillet 2016 :
« Si nous ne faisons rien, le dernier soldat français défilera sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2040 »
« Depuis la fin de la guerre froide et l’avènement du libre-échange, les dirigeants européens ont tué l’idée de guerre dans l’esprit de nos concitoyens. Ils ont cru en la fin de l’Histoire, c’est-à-dire en un monde uniformisé sur les standards occidentaux : le marché comme mode unique de transaction et les droits de l’individu comme horizon. C’était sans compter sur l’émergence d’un islam radical, le chaudron moyen-oriental, la résurgence des questions identitaires et religieuses et des velléités de puissance.
Cette croyance en la « sortie de l’histoire » a conduit nos dirigeants successifs à constamment réduire nos capacités de défense : moins 25 % sous Nicolas Sarkozy et presque la même chose sous François Hollande. Résultat, si la pente n’est pas rectifiée de toute urgence, le dernier soldat français défilera le 14 juillet 2040. Nos armées françaises sont donc menacées de disparition, alors que le feu a pris tout autour de l’Europe et que les menaces se sont importées à l’intérieur de nos frontières, comme en témoignent les attentats qui ont ensanglanté notre pays.
Ce constat dressé, je vois six conditions pour placer notre Défense et notre armée en situation d’assurer la sécurité des Français en tenant compte de la réalité de la menace qui ne cesse de s’accroître, et préserver notre rang et nos obligations de grande puissance militaire.
La première condition consiste à se donner des moyens budgétaires et militaires adaptés. L’augmentation puis la sanctuarisation du budget de défense doivent être une priorité absolue du prochain quinquennat. Je souhaite pour ma part porter l’effectif des armées de 130 000 à 300 000 hommes (en tenant compte de l’apport du service national) et faire passer le budget de la défense de 1,5 % à 2,6 % du PIB. Notre pays doit se donner les moyens d’assurer sa sécurité, et ce au fi des exigences bruxelloises.
La deuxième condition, c’est de restaurer l’esprit de défense et le lien Armée-Nation. Les Français savent que la guerre n’a malheureusement pas disparu. Les conflits qui paraissaient lointains comme le conflit en Syrie, aujourd’hui la Libye et demain d’autres pays ont désormais des répercussions directes sur leur propre sécurité. Nos concitoyens doivent être sollicités plus activement pour participer à l’effort de défense. C’est dans cette perspective que je souhaite restaurer un service national obligatoire. Ce service comportera une forte composante militaire, dans la seule limite des capacités d’accueil des armées. Il aura également pour mérite de restaurer les conditions d’un brassage social, si nécessaire dans un pays divisé, de constituer un rite de passage et un moyen d’accès à l’autonomie, et enfin d’apprentissage de la discipline.
La troisième condition, c’est de nommer clairement notre ennemi et de clarifier nos alliances. Pour ma part, j’ai très tôt désigné l’ennemi et je n’ai pas changé depuis. L’ennemi c’est l’État islamique. La mission du Chef de l’État, ce n’est pas de faire de la morale mais assurer la sécurité de ses citoyens. Il est impératif de remettre à plat nos alliances avec la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar et de se rapprocher de la Russie quand nos intérêts et ennemis sont communs.
La quatrième condition, c’est de rétablir notre souveraineté militaire. Elle passe par la remise en place de notre industrie d’armement, afin d’assurer la pérennité de nos approvisionnements. C’est refuser notre perte d’autonomie dont notre présence au sein du commandement intégré de l’OTAN – et à laquelle nous devons mettre un terme – est un des signes.
La cinquième condition, c’est de maintenir nos capacités de projection partout dans le monde, d’autant que nous disposons d’un atout maître que sont nos territoires d’outre-mer. C’est pourquoi je préconise la construction d’un deuxième porte-avions.
Enfin, la sixième condition c’est que les responsables politiques témoignent davantage de respect et de considération à ceux qui dédient leur vie à la protection de la nation, en commençant par les écouter davantage et cesser de les prendre pour une variable d’ajustement. Interdire aux militaires de réfléchir et de prendre part activement à la définition des stratégies, c’est faire injure à leur compétence, à leur sens du service et les charger d’une défiance incompatible avec l’exercice de leur mission. De même, déclarer qu’« un militaire, c’est comme un ministre : ça ferme sa gueule ou ça s’en va » comme l’a fait récemment Monsieur Alain Juppé est révélateur d’une vision de l’armée qui n’est pas compatible avec le rôle d’un grand pays.
A ces conditions, le changement de majorité en 2017 peut replacer l’armée française dans la droite ligne de ces missions et le 14 juillet 2017 symboliser le renouveau de nos Armées.
Jean-Frédéric Poisson