Lutte contre la GPA – « Tout est interdit, mais on laisse tout faire »
Retrouvez en cliquant ici la vidéo de mon intervention sur la proposition de loi sur la lutte contre la gestation pour autrui. (premier intervenant dans la discussion générale)
« Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, selon le cardinal de Retz, en amour comme en politique, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. J’ai l’impression, monsieur le ministre, que pour vous éviter ce détriment, vous avez voulu rester ce matin dans l’ambiguïté.
J’aurais aimé entendre, en plus du rappel de la loi, le détail des actions conduites par le Gouvernement pour s’assurer que rien ne favorise la pratique de la GPA, mais que tout est fait pour l’entraver. J’aurais aimé avoir le détail des procédures engagées contre les sites internet qui sévissent en France.
J’aurais aimé savoir comment vous avez l’intention de traiter, même si cela semble trop tard, le recours contre la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, dont vous avez cité le contenu tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.
En réalité, lorsque vous avez évoqué la loi et la manière dont le Gouvernement entend l’appliquer, j’ai bien entendu le rappel de l’interdiction du recours aux mères porteuses –la loi –, mais rien sur la manière dont le Gouvernement veut la faire respecter. En fin de compte, la question est simple : cette pratique est-elle ou non ignoble ? Devons-nous ou non consacrer toutes nos forces à l’interdiction, au découragement, à la « désincitation », en quelque sorte, de cette pratique qui est une manifestation barbare ? Le fait de recourir aux services d’autrui considéré comme un objet ou un instrument est-il ou non radicalement contraire à notre conception française de la dignité, quelles que soient par ailleurs les nuances que les uns ou les autres voudraient y apporter ?
Si l’on répond « oui » à ces trois questions, il faut voter notre proposition de loi. Si l’on ne répond pas « oui » d’une manière claire et ferme, on reste alors dans une espèce de marigot, où tout est interdit, mais où on laisse tout faire.
Telle est aujourd’hui la position du Gouvernement et de la majorité. J’entends que cela pose des problèmes de droit et qu’il existe des conventions internationales. Qu’à cela ne tienne, passons une nouvelle convention ! Vous dites que la France ne devrait réprimer ces crimes que dans la mesure où ils font consensus, en tant que crimes, dans le pays où ils sont commis. Nous ne sommes pas obligés de nous aligner systématiquement sur le moins-disant éthique ! La France a-t-elle ou non une responsabilité sur le plan international pour rappeler, avec la mesure et la modestie nécessaires, que certaines choses ne sont pas possibles, conventions ou pas ? Après tout, s’il faut aménager le droit international, faisons-le ! Laisser en l’état une pratique comme celle des mères porteuses, laisser perdurer les outils qui la permettent et n’envoyer aucun signal d’interdiction ni même de découragement, c’est donner une caution implicite au recours aux mères porteuses.
Si une telle situation satisfait le Gouvernement et sa majorité, quant à moi, elle ne peut pas me satisfaire !
Je comprends que vous soyez gênés, même si les motifs de cette gêne m’échappent. Je comprends que l’irruption de la question des mères porteuses dans le débat public, à l’occasion du texte sur le mariage pour tous, ait mêlé ces deux sujets au point que vous considériez comme brûlant de traiter avec toute la rigueur nécessaire l’interdiction de la GPA. Pourtant, comme cela l’a été dit, éclairé par un exemple saisissant de notre collègue Binet en commission, le sujet n’a rien à voir avec la question de l’homosexualité en tant que telle.
Nous parlons bien de l’instrumentation d’une femme à des fins individuelles et, partant, d’une atteinte radicale, fondamentale et sans concession à la dignité humaine. Pouvons-nous accepter cela ? La réponse, de mon point de vue, est évidemment négative.
J’ai été un peu surpris, pour ne pas dire choqué, par l’exemple, donné par Erwann Binet en commission, de ce couple parti en Inde, qui a dû aménager ses conditions de vie personnelle pour pouvoir y rester un an.
Le désir et la douleur des couples sont indicibles et personne ne peut s’en faire ni le juge. Cela étant, le fait que l’on éprouve du mal à accomplir un acte fondamentalement contraire à la dignité humaine ne le rend ni bon, ni juste, ni justifiable pour autant. À la fin du compte, vous êtes encore, monsieur le secrétaire d’État, dans la même logique que d’habitude : afin de satisfaire les droits de quelques-uns, vous vous apprêtez à remettre en cause une part importante de l’ordre symbolique du droit en refusant de réagir fermement contre des attaques de principe portées, par la pratique, à ce qui est au fondement même de notre droit et du droit des personnes.
Pour ces raisons, j’apporterai avec joie mon soutien à la proposition de loi de notre collègue Leonetti. Je lui ai tout de même fait savoir que je proposerai dans un amendement de retirer, pour la sanction, la précision sur le caractère onéreux de l’acte, car, de mon point de vue, considérer quelqu’un comme un instrument, à titre onéreux ou non, constitue une atteinte extrêmement grave à la dignité. »