IVG : mon intervention sur Radio Notre-Dame
Retrouvez ici en version audio mon intervention sur Radio Notre Dame le 28 novembre suite au vote sur la proposition de résolution IVG (à la 38ème minute)
A. M : Jean-Frédéric Poisson, vous avez refusé de prêter votre voix à l’adoption de ce texte. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre vote ?
JF. P : Le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie est le principe qui guide mon action politique, principe qui doit irriguer un certain nombre de décisions tant en matière personnelle qu’en matière publique. Il y a une mascarade derrière cette proposition de résolution, à la fois sur le plan du droit parce que cette résolution n’emportera aucune espèce de formalité juridique pour qui que ce soit, et il y a là une manière de berner le public auquel la majorité veut s’adresser. De plus, il ne peut pas y avoir de droit fondamental à l’avortement : tout d’abord, pour moi, l’avortement ne peut être un droit, mais en droit positif en tout cas, il en est un. Ce droit reste une forme de dérogation au principe du respect de la vie. La situation est donc tout à fait claire : il ne peut pas y avoir de droit fondamental à l’avortement, cela signifierait que la vie n’est plus du tout une valeur dans le droit français. Pour toutes ces raisons, il était hors de question que je prête ma voix à cette résolution.
A.M : Pensez-vous que l’on est là dans une démarche qui conduit à banaliser l’avortement et peut-être même à nier ou à couvrir les souffrances que subissent une majorité de femmes qui y ont recours?
J-F. P : Premièrement, à partir du moment où l’avortement est entré dans le droit positif, on a tout fait pour considérer que puisque c’était un droit, il fallait absolument le propager dans le corps social. Les propositions que Marisol Touraine a décrites dans sa réponse à la discussion sur cette proposition de résolution montrent bien cette réalité. Lorsque même les parlementaires socialistes sont d’accord pour dire, lors des débats sur le fait d’ôter la notion de détresse comme condition d’accès à l’IVG, que ce n’est pas un acte banal, que c’est un acte grave, douloureux, personne ne tire les conséquences de ce constat
Deuxièmement, je pense que Mme Veil n’est pas la plus mal placée pour interpréter le sens de sa loi, et quand elle disait il y a 10 ans, au 30ème anniversaire de la loi de 75, qu’elle regrettait elle-même cette banalisation, c’est quelque chose, je crois, que nos adversaires sur ce sujet sont capables d’entendre ! Si cette banalisation est regrettable, elle pose deux questions : première question, comment peut-on regretter que quelque chose qui devrait soi-disant être un droit fondamental soit banalisé ? S’il y a un droit fondamental à acquérir un logement ou un travail, alors effectivement il faut que ce droit soit propagé, et donc que cela devienne quelque chose d’habituel, de normal, de banal. Pour l’avortement, on veut à la fois que ce soit propagé et on regrette que ça se banalise. C’est quand même curieux, comme position !
Ce qui veut dire qu’il reste un problème de fond : rien ne peut supprimer l’attachement que connait la future mère à l’égard de l’enfant qu’elle attend. C’est la source, l’origine, la cause de tout ce que l’on peut imaginer comme difficultés, comme douleurs, comme traumatismes pour les femmes ayant avorté. Aucune loi, aucun droit fondamental, aucune résolution parlementaire ne supprimera ça. Ce qui est regrettable, c’est que cet échec qui est à mon avis un échec collectif et un échec social ne soit jamais pris en compte, que le débat public soit presque impossible sur ce sujet, et, comme le regrettait Jean-Marie Le Méné, que je salue, sur votre antenne il y a quelques instants, qu’il n’y ait pas de prise de conscience collective sur cette affaire. C’est très dommage car cela aiderait grandement toutes les associations qui accompagnent les femmes enceintes qui ne voient pas comment mener à terme dans des conditions normales de bonheur, de sécurité, de sûreté, psychologique ou matérielle.