49-3 : «Pour le dépôt de bilan de Manuel Valls» – Ma tribune pour le FigaroVox
Le gouvernement a recours au 49-3 pour faire adopter en première lecture la loi travail. Pour Jean-Frédéric Poisson, cette décision est le symptôme du défaut d’autorité de l’Etat. Retrouvez ma tribune pour le FigaroVox.
« Le Gouvernement a donc recours au 49-3 pour faire adopter en première lecture la loi travail. Cette décision survient au terme d’une séquence de plusieurs mois marquée par une absence insupportable de ligne politique, d’autorité de l’Etat, et de capacité à négocier.
Quatre versions successives du texte, petit à petit bouleversé par des centaines d’amendements du rapporteur et du Gouvernement rendent désormais parfaitement illisible la volonté gouvernementale, ainsi que sa conception du droit du travail et des relations sociales dans les temps qui viennent. L’irrespect des acteurs du dialogue social est à son comble : au point que le patron de Force Ouvrière envisage de saisir toutes instances judiciaires compétentes pour faire valoir devant les tribunaux, c’est une première, le respect de la concertation préalable des partenaires sociaux par le Gouvernement.
Cette loi aurait dû procurer de la stabilité et une vision de long terme aux entreprises : ses versions successives démontrent une instabilité incompatible avec le besoin des employeurs. Elle aurait dû s’engager à simplifier un code que plus personne ne comprend : elle ne fait qu’ajouter de la complexité à la complexité.
Elle aurait dû faciliter le climat de confiance sans lequel la reprise économique est inenvisageable : la méfiance véhiculée par la méthode de travail (ou plutôt l’absence totale de méthode) du Gouvernement a produit l’effet inverse.
A la fin du compte, elle aurait dû marquer le retour de l’autorité de l’Etat dans le champ social, faite à la fois d’une grande fermeté de principes et d’une tout aussi grande confiance dans les acteurs : du fait que le Premier ministre a cédé aux chantages de tous ordres, nous aboutirons à l’inverse.
La France apaisée de F.Hollande était un slogan de campagne : ce n’est plus, au mieux, qu’un lointain souvenir. Il est affreusement dommageable que le travail pâtisse de cette trahison supplémentaire.
En décidant, à l’entame des débats dans l’hémicycle lundi soir, de bloquer les votes sur les amendements et les articles faute de majorité, le Gouvernement a définitivement scellé son incapacité à rassembler sa propre majorité. Le mépris affiché à l’égard de la représentation nationale à cette occasion est sans précédent, sur un texte de cette importance.
Nous irons donc au 49-3, preuve surnuméraire du fait que la majorité n’existe plus. Dans n’importe quelle autre circonstance, le Premier ministre en tirerait toutes les conséquences : il remettrait son mandat au Chef de l’Etat. Ou bien le Chef de l’Etat en tirerait lui-même toutes les conséquences : il dissoudrait l’Assemblée nationale. Nous n’aurons sans doute rien de tout cela, les gouvernants ayant perdu de vue le sens et le poids de leur responsabilité.
Au lieu de cela, nous assisterons à un rafistolage de plus. Son but n’a rien a voir avec la santé de nos entreprises, et de nos emplois. Il n’a de sens que pour préserver la capacité de François Hollande à être de nouveau candidat à l’élection présidentielle, dans les conditions les moins pires possibles. Pour lui, pas pour la France. Personne n’avait à ce point instrumentalisé les institutions de notre pays. Personne n’avait été jusqu’ici animé d’un tel aveuglement, d’un tel égoïsme, et d’un tel mépris pour le peuple français. Aujourd’hui, la situation de notre pays est gravissime, et peut être résumée ainsi : pour notre malheur à tous, la Présidence française est en jachère, et le Premier ministre en dépôt de bilan. Décidément, le rétablissement de l’autorité de l’Etat et de la force de nos institutions est le seul vrai problème des échéances électorales à venir : le reste est de la littérature. »